Kether

La nuit était froide, et le vent ne la réchauffait pas. Le sombre voyageur arpentait cette route depuis des années, lui semblait-il. Depuis combien de temps maintenant avait-il quitté sa patrie ? Il ne s’en souvenait plus. Pourtant, sa race honnie de tous avait la réputation d’une bonne mémoire. Les Irdas gardaient de nombreuses connaissances dans leurs cavernes qu’un explorateur jugerait certainement archaïques. Néanmoins le côté austère de celles-ci lui manquait abominablement. Il avait du mal à se faire aux forteresses cyclopéennes vues le long de sa route, ainsi que de la complexité de villes traversées. Tandis qu’il se rapprochait du hameau, Kether se rappela la raison de son départ.

Cela s’était passé…Ho. Il y a bien longtemps. C’était le printemps sur son île. La fête des fleurs lui avait permis de se rapprocher plus de l’Irda qu’il aimait : Tiphareth. Mais le drame lui avait enlevé sa bien-aimée. Partie en mer pour la pèche, on ne la revit jamais. Mais Kether, qui était opiniâtre refusa cette finalité. Sa grand-mère vit dans des vapeurs colorées l’enlèvement de Tiphareth par des marchands d’esclaves draconniques. Et c’est ainsi qu’il prit la route du continent, sans rien dire à personne.

Le vent glacé s’engouffra dans son manteau. Ses muscles tressaillirent sous l’agression, et il ne lui en fallut pas plus pour se diriger vers la fumée qui s’échappait de la maison humaine qui lui faisait face.

Il se rappela les années passées à s’entraîner au maniement des armes et de la magie. Il était un élève doué. Malheureusement pour son caractère calme et pacifique, il ne rencontra que brutalité et peur autour durant son voyage jusqu’à cette chaumière. Ses talents de diplomate lui permirent d’éviter de nombreux affrontements. Ses talents de guerrier lui permirent de survivre aux autres. Mais il était las de toujours se battre. Il espérait trouver chaleur et bon accueil dans cette demeure humaine…mais c’était peut-être trop demander auprès des dieux.

Il descendit de son cheval, et se rendit à la porte. Nul bruit n’en émanait. Il frappa à celle-ci, sachant qu’il réveillerait ses occupant. L’accueil ne serait pas des plus chaleureux. Un bruit de pas lourd se fit entendre. Lorsque la porte s’ouvrit, l’humain entre deux ages à la mine renfrogné recula sous l’apparence de Kether. Sa cape ne pouvait cacher sa haute stature et son visage bleu où tombait en cascade de noirs cheveux longs. Ses yeux couleurs argents regardait l’humain, sans peur ni antipathie, juste une certaine curiosité qui ne cesser de grandir à chacun de ses pas.
« Ouai, tu veux quoi ?
-Bonsoir. Le gîte et le couvert. Je peux payer. »
L’humain se frotta les yeux. Il s’écarta.
« Entre. » Fut sa réponse laconique.

Au coin du feu, l’humain et Kether parlèrent peu. Ce dernier se contenta du maigre brouet d’avoine que l’humain lui présenta. Il lui demanda alors si il y avait une ville dans le coin où l’on pouvait trouver des draconniques. L’humain s’arrêta instantanément de manger.
« Des…draconniques ? Pourquoi cherches-tu ces sales bâtards ? Tu es fou. Retourne d’où tu viens, cela vaut mieux. Tu n’as pas ta place ici.
-C’est à moi d’en décider. Tout ce que je te demande c’est de m’indiquer où se trouve une telle ville.
-Hum… » Fit l’humain en s’allumant une pipe. « Va au sud. Tu ne la louperas pas.
-Merci. » Dit Kether en tendant deux pièces à l’humain. Que celui-ci s’empressa d’empocher.

Kether quitta la chaumière, impressionné par ce mortel. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait reçu un tel témoignage de sagesse. Oui, il se jetait dans la gueule du loup. Mais son courage (ou sa folie…) n’était plus à démontrer. Il rajusta son épée longue à son côté, ainsi que sa cuirasse, et se mis en route vers le sud. De toute façon, son amour l’attendait au loin…Il le sentait.